Journée mondiale de lutte contre la tuberculose : remonter la piste d’une contagion

Comment empêcher des bactéries mortelles de dévaster les communautés les plus vulnérables ? À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, nous mettons en lumière les efforts qu’il faut déployer de toute urgence pour trouver les cas de tuberculose manquants – ces millions de personnes qui, chaque année, ne sont ni diagnostiquées, ni soignées, ni signalées et qui sont susceptibles de propager la maladie. Nous rendons hommage à des agents de santé héroïques qui travaillent d’arrache-pied pour trouver les cas manquants et qui apportent espoir, soins et guérison aux personnes que la maladie frappe de façon disproportionnée

Marchant d’un bon pas, Reuben Kimweli se fraye un passage entre les baraques en terre d’une étroite ruelle de Kibera, le plus grand bidonville du Kenya. Il salue des hommes qui jouent aux cartes, avant de s’engager dans une autre ruelle en évitant de marcher sur un poulet. Pour aller jusqu’à la destination qu’il s’est fixée, il doit multiplier les ruelles comme celles-ci, franchir des fossés et, aussi, demander son chemin.

Comme aucune rue n’est répertoriée, les personnes qui aident Reuben à s’orienter utilisent des points de repère dans le quartier : à côté de la boutique près du caniveau, après l’arbre aux branches gigantesques ou tout droit après le gros réverbère. Bien que cette façon de procéder rappelle celle d’un inspecteur de police, c’est d’un type d’enquêteur bien différent qu’il s’agit ici. Cependant, l’objectif est le même : c’est bien un assassin en puissance qu’il poursuit.

Reuben fait partie des milliers d’agents de santé communautaire envoyés en première ligne d’un combat mondial pour retrouver les plus quatre millions de cas de tuberculose qui, chaque année, ne sont ni diagnostiqués, ni traités, ni signalés. Selon le Rapport 2016 sur la lutte contre la tuberculose dans le monde, 40 pour cent des 10,4 millions de cas de tuberculose et 80 pour cent des 580 000 cas de tuberculose pharmacorésistante ne sont pas repérés par les systèmes de santé chaque année. Or, il est impossible d’arrêter une maladie si l’on ne trouve pas les patients.

Malgré des progrès récents dans le domaine des outils diagnostiques et des protocoles thérapeutiques remis à jour, la communauté internationale a été incapable de prendre le pas sur la maladie. Selon Lucica Ditiu, Directrice exécutive du partenariat Halte à la tuberculose, il faudra 170 ans pour éliminer la maladie au rythme actuel où vont les choses (une baisse des taux d’incidence de 1,5 pour cent par an). Cela nous reporte à 2187.

La bonne nouvelle, c’est qu’il est possible de prévenir et de guérir la tuberculose. La mauvaise, c’est qu’elle est contagieuse et se transmet par voie aérienne : une personne dont la maladie s’est déclenchée et qui n’est pas traitée peut en infecter 10 à 15 autres en une année. Aussi longtemps que des millions de personnes vivront avec la maladie sans être traitées et continueront d’en infecter d’autres, nous ne pourrons pas infléchir la courbe d’incidence de la tuberculose qui restera une menace de plus en plus présente pour la sécurité sanitaire internationale – en particulier dans sa forme multirésistante.

C’est là qu’interviennent les agents de santé communautaire comme Reuben. Ils arpentent les ruelles des bidonvilles et les allées des villages isolés pour trouver les personnes touchées et infectées par la tuberculose et pour éduquer les communautés aux dangers que cette maladie séculaire continue de faire peser. Il faut également que les gens sachent que des traitements existent et qu’il est possible de guérir de la tuberculose.

Quand Reuben a rencontré Agnes, on lui avait déjà diagnostiqué la tuberculose et elle était sous traitement. Mais du fait de son métier d’enseignante, Agnes faisait courir un risque élevé aux autres. Reuben l’a accompagnée tout au long de son traitement et lui a conseillé de suspendre ses cours jusqu’à ce qu’elle ne soit plus contagieuse. Il a aussi surveillé l’état de santé de ses élèves en se tenant prêt à renvoyer chez un médecin le moindre enfant qui donnerait des signes de la maladie. Heureusement, aucun n’est tombé malade.

Les enfants d’Agnes n’ont pas eu cette chance, puisque trois de ses quatre fils ont contracté la tuberculose. Néanmoins, Reuben a vite évalué la situation et est intervenu rapidement pour faire établir un diagnostic et entamer un traitement, de sorte que toute la famille est aujourd’hui débarrassée de la tuberculose.

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